Takagi est un studio de conception d’escape games qui a participé à plusieurs projets dont certains qui ont rencontré un succès incroyable. Au cœur de ce studio des passionnés de jeux qui inventent des projets depuis plus de dix ans, que ce soit des jeux de piste ou des événements. François-Xavier mène la danse des énigmes et se prêt au jeu de l’interview !
« Takagi », que signifie ce nom ?
Eh bien, c’est ni plus ni moins que le nom d’un des précurseurs du concept d’escape game. Tashimistu Takagi, un japonais qui en 2004 a créé et popularisé Crimson Room, un jeu sur ordinateur où l’on doit s’échapper d’une chambre, l’un des premiers escape games.
Depuis quand Takagi existe-t-il ?
On existe depuis 2018. Après quelques années à créer des jeux de piste à Lyon, des événements autour du jeux (depuis 2009)… J’ai frappé aux portes des premiers escape game à Lyon en 2015. D’abord game master un peu touche-à-tout, j’ai écrit ma première salle en 2016. Après un gros projet (Hydre, par One way), j’ai décidé de voler de mes propres ailes et j’ai créé Takagi avec un ami, Lucas, avec qui j’avais déjà écrit quelques jeux de pistes par le passé.
Quelle équipe se cache derrière Takagi ? Un petit mot pour présenter les coéquipiers et vos rôles…
L’équipe est un peu particulière. C’est presque plus un collectif qu’une entreprise classique. Alors oui, il y a la société qui porte les projets, dont je suis le seul salarié, et il y a tout un réseau de partenaires, indépendants ou non, qui gravitent autour, en fonction des besoins des projets. Personnellement, je m’occupe de la gestion de projets, de l’aspect commercial, du game design et des choix techniques. Ensuite, par ordre d’apparition, nous avons Loïc d’Y-games, avec qui je travaillais déjà avant Takagi, qui est game designer et narrative designer. Ensuite vient Florian, qui s’occupe des modules électroniques et de l’installation des jeux. Anne, notre soleil, pour les constructions et enduits décoratifs en tout genre. Ensuite, nous avons l’équipe des décorateurs de l’extrême “Métamoprhoz” : Germain, rencontré sur le premier projet Takagi, et ses acolytes Justin et Nicolas.. Et vient ensuite François, l’électronicien que rien n’arrête !
Comment se passent les échanges entre une personne qui vient avec une idée en tête et vous, pour la conception concrète du projet d’escape game ?
Au départ, ça commence souvent par un mail, pas beaucoup de détails, pas forcément de budget précis, juste quelques idées vagues. C’est le moment pour moi de décrocher le téléphone pour deux ou trois heures d’entretien avec ma liste de questions. Si le projet est assez avancé, on propose un avant-projet, c’est un accompagnement de l’idée au premier pas dans le local. On va aider le client pour qu’il n’oublie rien, qu’il respecte son budget et son planning. C’est un peu notre contrat de confiance et ça rassure tout le monde. Ensuite, la phase de conception en étroite collaboration avec le client et l’équipe déco. On se base sur une méthode de projet “agile” ; cela nous permet d’avancer par itération et de faire valider chaque élément du jeu par le client, et la faisabilité par les premiers concernés. C’est notre manière de concevoir du sur-mesure, et d’impliquer au maximum nos clients, car au final, c’est eux qui vont vivre des années avec, alors on fait tout pour que ça leur plaise et que ça corresponde à leurs envies.
Quelle qualité doit avoir un bon game designer ?
Je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais game designer. Le game design, c’est en général l’application de recettes efficaces pour créer des jeux dont on sait qu’ils fonctionneront. Mais en escape game, je dirais que les recettes n’existent pas encore tout à fait, du moins, il n’y a pas assez de recul pour établir “la formule magique”. On est dans une phase encore jeune du concept qui nécessite encore de chercher, de bousculer les codes, de repousser les limites et d’oser proposer des choses nouvelles, et pour cela, il faut savoir prendre des risques.
Une des attentes des joueurs, c’est d’être surpris, de rêver, de trouver de la magie dans l’aventure qu’ils sont venus chercher. Alors à mes yeux, un bon game designer doit évidemment avoir de belles idées, mais c’est aussi quelqu’un qui ose, qui n’est pas bridé par “ce que doit être un escape game” mais qui s’exprime “pour ce que pourrait devenir un escape game”.
Évidemment, il y a des budgets à respecter, des clients à convaincre et satisfaire, alors il faut aussi être pragmatique, avoir des idées cohérentes avec chaque projet. Le challenge pour nous aujourd’hui, c’est de trouver des clients qui nous font confiance, pour que les bons game designers puissent s’exprimer librement et sortir des projets innovants et ambitieux… et sortir de la routine qui s’installe parfois un peu trop.
Qu’est-ce qui te passionne / t’amuse le plus lors de la conception d’un projet ?
Je suis un peu un touche-à-tout, un “slasher”, c’est d’ailleurs ça qui m’a conduit à l’escape game. Vouloir gérer des projets, être au contact d’une équipe, faire de la direction artistique, de la scénographie, du design, imaginer des objets et des mécanismes, trouver des solutions techniques, bidouiller de l’électronique, jouer avec les sons, les images, créer des ambiances, raconter des histoires. Alors évidemment, je n’excelle pas dans tous ces domaines, mais je m’amuse un peu dans tout et j’adore combiner des choses parfois improbables. J’apprends tous les jours de mes collègues et d’heures passées à chercher des solutions sur la toile, je m’amuse à relever des défis et au final, je suis fier d’un projet en voyant les yeux des joueurs et des clients, et me dire que nos idées et notre détermination séduisent.
Est-ce que vous faites du game design d’autres expériences que les escape games ?
Comme je le disais, à la base, je concevais des jeux de piste, généralement thématique, à Lyon. On avait une association pour cela, on mêlait déjà les supports papiers, le numérique et des petits ateliers, parfois proche de l’escape game … un peu avant l’heure (certains appellent ça “escape game outdoor” … allez comprendre).
J’ai créé aussi quelques jeux de cartes, à la manière des Unlock si on veut, pour des évènement d’entreprise. Aujourd’hui, on pourrait être tenter par du cross média dans l’escape game, le mélange jeu vidéo et escape game, un peu comme Echo Squad. On suit de très prêt le projet “Escape Ourobouros “ de nos collègues du Générateur 9 (notre coworking à la sauce fablab / makers) qui veut aller encore plus loin, c’est un projet mêlant escape game, jeu vidéo en VR, mapping vidéo et j’en passe.
Nautilus, l’expédition Aronnax – Unleash Escape
Quel est le projet sur lequel tu as travaillé, dont tu es le plus fier ?
Ah la question à 100 000 euros. On est très fiers d’avoir apporté notre contribution au projet “Nautilus” chez Unleash à Paris. Mais notre projet coup de cœur -car on n’y a pas laissé de plumes- avec nos partenaires Metamorphoz et Anecdotes, c’est la salle “L’enchantement d’Excalibur” chez Escape 423 à Rouen. Un peu le fantasme d’une vraie salle pleine de magie, qui soit ludique, drôle, surprenante et tout public. Je crois qu’à en lire les retours des blogs, le pari est réussi. C’est pour ce genre de projet qu’on fait ce métier, repousser nos limites, créer de la surprise et de l’enchantement chez les joueurs. Quand on finit une salle et qu’on se dit : “Franchement, je suis déçu, j’aurais tellement voulu jouer cette salle !”
Peux-tu nous parler d’un projet ambitieux que vous avez conçu ? Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées, comment les surmontez-vous ?
On en revient au Nautilus “L’expédition Aronnax” chez Unleash. C’était ambitieux, surtout qu’au premier coup de fil du client, Takagi n’existait pas encore, c’est sorti des cartons à la même période. Les premiers mois étaient très excitants, puis la réalité de nos idéaux nous a rattrapé. Toutes ces idées, cela prend du temps, cela pose des questions techniques, des éléments qui ont dépassés les compétences des équipes du projet. Les budgets qui ne sont pas extensibles, des sacrifices un peu de toutes parts, mais pas dans le projet en lui-même, plus dans les moyens et les délais. Le fameux équilibre qualité-coût-délais, vous connaissez ? Eh bien, on a étiré les délais, sans toucher au coût et à la qualité du produit final. Pour notre satisfaction, on a toujours les retours des joueurs excités qu’on lit de temps en temps, et les reviews souvent élogieuses de ce projet. On est conscient de ce qu’on a apporté à cette salle. Alors même si on y a laissé quelques plumes, tant qu’il y a de la braise, on se relève de nos cendres !
Quelle expérience immersive as-tu préféré jouer ?
Alors parmi mes dernières expériences, je dois dire que je suis resté un peu sur le c** lors d’une soirée organisée par les Nuits Impunies (dont les décorateurs Métamorphoz font partie). C’est un événement entre théâtre immersif, GN et grand bal costumé. Rien n’est laissé au hasard, on se laisse transporter, on se dit toutes les 5 minutes “mais non ils n’ont pas fait ça !?” Et si ! J’ai un profond respect pour ces personnes. Il y a eu aussi les déambulations en “chasseurs de rêves” lors du festival Château Perché, en pleine nuit, au milieu de leurs constructions oniriques au beau milieu des bois. Je me revois encore ébahi, comme un enfant au milieu de ces créatures ! Les Nuits Impunies / Métamorphoz apportent la poésie et l’émerveillement qu’il manque à nos vies !
Quel est l’avenir des escape games d’après toi ?
A mon sens, nous arrivons en terme de marché à une stabilisation, et la période difficile que nous traversons va sûrement faire un peu de mal à ce milieu déjà fragile (ndlr : l’interview a été écrite durant la période de confinement). Les loisirs sont souvent en première ligne quand la consommation change. Mais en terme de créativité, de diversité et de possibilité, je pense qu’on découvre seulement le potentiel de cette activité : les technologies, l’aspect immersif, le fait de jouer avec plus que des cadenas, des boutons, quelques lumières et des électroaimants…
L’escape game est l’un des rares domaines où l’on peut tout fusionner : d’abord des game play uniques, jouer avec la psychologie chez les joueurs en créant des situations de “danger”, de surprise, d’émerveillement, mettre les gens face à des choix cruciaux, créer des ambiances fortes à l’aide du son, des images et des lumières en pensant l’heure de jeu comme un spectacle et non comme un tableau inerte, oser faire vivre aux joueurs des choses improbables qui laisseront des souvenirs impérissables. Je pense qu’on est à l’aube d’une ère de créativité immense. Il suffit de laisser s’exprimer les créateurs, de repousser les limites déjà trop ancrées de l’escape game tel qu’on le connaît pour voire naître des concepts plus singuliers. J’espère que la suite se tournera vers des expériences immersives encore plus intenses et exaltantes.
Voici venue la dernière question qui est un champ libre : de quoi as-tu envie de parler ?
A l’heure où j’écris ces lignes, je suis comme beaucoup confiné. J’ai la chance d’être dans un lieu propice à la création, au repos, avec des personnes bienveillantes. Je peaufine des scénarios, j’en commence de nouveaux, je fais ce qu’en tant que chef d’entreprise je n’ai pas le temps de faire habituellement : réfléchir à de nouvelles solutions, de nouveaux concepts, rebattre un peu les cartes. Les projets qui vont voir le jour d’ici cet été avancent malgré tout et j’espère qu’on proposera encore de belles surprises aux joueurs.
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