Quand on pense à l’immersion des escape games, on évoque tout de suite les décors. Mais il y a un autre élément très important pour l’immersion : l’ambiance sonore ! Voici une belle et longue interview du Labyrinthe Sonore et vous pouvez retrouver sur www.labyrinthe-sonore.com .
Qui est derrière Labyrinthe Sonore ? Pourrais-tu te présenter ?
Labyrinthe Sonore est une créature sans visage et aux multiples mains. Je ne peux pas en dire vraiment plus sur mon identité, je préfère qu’elle se perde dans les impasses de mes bandes-son.
J’ai fait quelques écoles de musique, des groupes de-ci de-là, des albums, des concerts, des sets en tant que DJ, et surtout beaucoup d’envie de découvrir !
Sur le site, tu écris que tu as aussi une expérience en game mastering ?
Oui, quand je n’endosse pas la capuche du Labyrinthe Sonore, je suis maître du jeu dans une enseigne bretonne. C’est notamment via mon entrée dans le monde de l’escape que j’ai eu l’idée de me spécialiser dans la musique pour escape game et de créer le Labyrinthe Sonore il y a un an maintenant.
Qu’est-ce qui t’as poussé à créer Labyrinthe Sonore ?
J’adore les BO de film et leur côté narratif, les salles de jeu ont justement besoin d’un tel paysage sonore pour renforcer l’ambiance d’un scénario ou d’un décor, et peut-être même jouer un rôle dans la partie. Me concentrer sur le milieu de l’escape game est un choix, mais aussi la réponse à une demande qui n’existait pas vraiment. À savoir faire appel à un musicien et game master, capable de bien cerner les enjeux de la création d’une salle.
Quel est ton matériel ? Utilises-tu des samples ? Crées-tu tes ambiances avec des machines, ou de façon old-school avec des instruments et objets pour avoir un son naturel ?
Un petit melting-pot de tout ça à vrai dire. Si l’ambiance demandée correspond à des genres musicaux qui m’inspirent, je compose une bande-son complète à partir de claviers, de guitares et de basses que je triture ensuite sur mon PC. Parfois, je dégote des samples parfaits que je ne suis pas en mesure de reproduire ou qui sont mille fois mieux que ce que j’aurais fait, je les glisse alors dans le labyrinthe sonore en cours. Si la bandeson sur laquelle je bosse est destinée à résonner entre les murs d’une cabane en forêt en pleine tempête, j’enfile une veste, je prends un micro et je pars crapahuter dans les bois en attendant qu’il pleuve.
Donc, oui, un peu de tout. Et c’est justement ce qui est hyper motivant pour moi : les bandes-son du Labyrinthe sont un mélange de sound design, de musique, de mix… C’est super enrichissant et ça me fait toucher à plein de support et de genre.
Quelle est l’ambiance que tu as le plus de plaisir à faire ?
Dans mon travail, il y a deux pôles qui se dégagent, qui se mélangent parfois : ultra-réalisme et musique. L’ultra-réalisme est très intéressant à concevoir : donner l’impression aux joueurs qu’ils sont vraiment dans un autre espace réel. Une usine, un sous-marin, un bateau, une chambre d’enfant, une cave… Tout est possible. Ce genre de bandes-son relève davantage du sound design.
En ce qui concerne la musique, j’adore créer des ambiances horrifiques ou de science-fiction. Plancher sur des passages qui me hérissent le poil ou sur des textures de sons plus futuristes, voire un peu rétro, c’est hyper grisant pour moi. C’est d’ailleurs les BO de films que je préfère.
Y a-t-il une recette ? Pour faire une bonne ambiance d’escape game, quels « sons » les ingrédients magiques ?
Je n’ai pas particulièrement de recette magique. J’enfile ma capuche et je me laisse porter par le Labyrinthe ! En réalité, une discussion préalable avec les commanditaires est indispensable. Il me faut des pistes pour répondre au mieux à leurs attentes, mais aussi, suffisamment de liberté pour que j’y prenne du plaisir, ce qui se ressentira forcément sur le résultat final.
La chose essentielle à garder en tête au cours du processus, c’est de se mettre à la place du joueur, en train de cogiter sur ses énigmes. Bien se dire qu’il ne s’agit pas d’un album, il faut que la bande-son s’incorpore parfaitement dans la room sans qu’elle ne perturbe trop le jeu. Sauf cas contraires, bien sûr, notamment entre les murs de salles plus angoissantes dans lesquelles la musique devient actrice de la partie, quasiment un obstacle sensoriel qu’il faut parvenir à franchir pour réussir à se concentrer correctement.
Et en tant que joueur, quelle ambiance t’a le plus marqué ?
Il y a deux ambiances que je préfère : d’abord, celle qui fait monter le stress, qui me fait frissonner, puis celle que je discerne à peine tant elle participe à l’immersion, par des bruitages ou des jeux de sonorités légers, mais évocateurs. Ce genre de bande-son, on ne comprend son apport dans l’ambiance de la partie qu’après coup, mais elle était bien là et a servi son but avec délicatesse.
Combien de temps pour concevoir une ambiance d’un escape game d’une heure et quelles sont les phases durant la conception ?
Suite aux infos qu’on m’a confiées sur la salle après une première prise de contact, j’entame une grosse phase de recherche. Par exemple, si le scénar et le décor s’inspirent de films ou d’univers particuliers, je m’y plonge pour bien me mettre dans le bain. Il y a une grande part du travail qui relève du feeling, à vrai dire. Ensuite, je fouine pour trouver des sons, des samples et je commence à composer des atmosphères. Puis d’un labyrinthe un peu chaotique, la bande-son devient un puzzle, dont les pièces s’agencent petit à petit jusqu’à la plage finale.
Une fois terminée, je la passe souvent en fond au cours de soirée jeu entre amis, ou je me mets en condition comme si je jouais la salle, quitte à avoir l’air ridicule ! Le temps entre ces différentes phases varie selon la complexité et le degré d’interactivité de la bande-son, d’une semaine à un mois environ.
Qu’est-ce qu’apporte une ambiance sonore à un escape game
Pour moi, une bande-son en concordance avec le décor et les énigmes est indispensable. En tant que joueur, j’adore qu’on sollicite mes sens. Plus on y fait appel plus la salle me semble complète. Et l’ambiance sonore joue un grand rôle dans le réalisme et les émotions éprouvées : vous pouvez entrer dans le manoir le plus hanté d’Écosse ou dans les geôles les plus flippantes des enfers, les décors auront beau être époustouflants, s’il n’y a pas de grincements, de chuchotements à vos oreilles, de nappes bien oppressantes ou des risers à vous nouer les tripes pour leur donner vie, vous n’éprouverez aucune émotion.
C’est exactement comme pour un film. En reprenant l’exemple de l’horreur : un film d’épouvante sans bande originale n’a plus grand-chose de terrifiant. Finalement, une partie d’escape game, c’est un thriller cérébral d’une heure dont vous êtes le héros ! Et la musique est incontournable afin de vous enfermer dans la bulle d’atmosphère la plus captivante possible.
Créez-vous des ambiances sonores sur-mesure en fonction du rythme de la salle ou les salles vous demandent une bonne bande-son d’une heure ?
Il y a de nombreux cas de figure. Certaines commandes sont très pointilleuses, avec des envies très précises et des interactions à la minute près. On peut alors vraiment parler de bandes-son sur mesure. D’autres, par contre, font confiance au Labyrinthe Sonore et me laisse libre d’explorer un large spectre à partir des quelques points de départ qu’on m’a fournis avant de commencer.
Ces deux approches sont intéressantes sur des aspects différents : l’une fait appel à davantage de précision pour satisfaire les projections des commanditaires, l’autre donne plein pouvoir à mon imagination. Et comme j’adore les histoires, cela me permet d’en raconter une en accord avec le thème que j’illustre avec ma musique.
Ce serait génial d’aller encore plus loin dans l’interaction avec un scénario de jeu : une salle dans laquelle la musique ferait partie des énigmes ou serait porteuse d’indices à décrypter, dans laquelle les joueurs devraient exercer leur qualité d’écoute peut-être. L’observation ne serait plus visuelle, mais sonore, pour se guider, pour débloquer une porte, pour communiquer.
Il y aurait matière à innover dans les salles en prenant davantage en considération les possibilités du son, plutôt que d’autres sens plus habituels en jeu, comme la vue ou le toucher. Et j’aimerais vraiment faire partie d’un tel projet !
Dans quels jeux peut-on retrouver vos ambiances sonores ?
On peut entendre des bandes-son du Labyrinthe Sonore aux quatre coins de la France, et même hors métropole !
Je laisse aux curieux le loisir d’aller sur mon site www.labyrinthe-sonore.com pour plus d’infos à ce sujet. Pas mal de projets sont en cours, et notamment un qui m’a passionné pour une enseigne qui ouvrira prochainement à Paris 19, et dont le nom est Kubik. Le thème de la salle (encore secret) risque d’attirer énormément de monde (moi, y compris !). Vous pourrez donc y écouter une de mes dernières bandes-son, une dont je suis le plus satisfait à ce jour. Le sujet de l’escape room valait largement les dizaines et dizaines (voire centaines) d’heures passées à composer son ambiance ! J’en dirai plus dès que je pourrai.