Rendez-vous avec Camille, Sébastien et Jean-Baptiste qui nous font un retour sur les différentes phases du championnat mondial d’escape game de Red Bull. Le championnat a eu lieu à Londres du 12 au 13 avril 2019, juste après l’entraînement virtuel sur le site de Redbull et des qualifications nationales que nous avions évoquées dans une actu.
160 équipes ont tenté l’aventure pour représenter la France, et nous comptons 14 000 joueurs dans le monde avec 23 pays représentés.
Camille est éditrice, Sébastien développeur ainsi que Jean-Baptiste et Noé, étudiant, est le benjamin du groupe. Ce groupe s’est formé grâce à Mana Wyrd, un site d’énigmes en ligne créé par Sébastien et à présent, il s’agit de leur nom d’équipe.
Au commencement les qualifications …
Sébastien : Avant l’événement, Redbull avait publié des interviews du concepteur du championnat Nicholson, qui disait avoir ciblé 6 domaines : musicalité, observation, logique, créativité, stratégie et mémoire. Les équipes devaient établir qui était le meilleur dans chacun pour se répartir les tâches.
Camille : On est tous assez polyvalents mais pour la musicalité, c’était facile, car Noé est musicien, mais pour les autres domaines, on s’est créé des épreuves sur-mesure.
Sébastien : Pour la qualification, RedBull amenait un camion avec un gros cube qui avait 4 écrans de chaque côté. Chaque joueur s’installait devant un écran. Là, c’était one shot, il fallait faire le meilleur temps pour être sélectionné. Les tests en ligne n’étaient pas pris en compte dans ses qualifications.
Camille : Il y avait des symboles pour chaque écran devant lesquels se plaçaient les joueurs et il fallait relier ces symboles, donc il fallait constamment communiquer pour résoudre les exercices mais aussi des épreuves nouvelles qui testaient notre adaptabilité.
Comment avez-vous appris la bonne nouvelle de vos qualifications ?
Camille : Il y avait eu un bug durant les qualifications, et on pensait que le temps à battre était de 8 minutes et 45 secondes. Donc, avec 9 minutes et 20 secondes, on pensait avoir perdu. A ce stade, ça faisait 2 mois qu’on s’entraînait, parfois plusieurs fois par jour, on était très déçus, mais on se disait qu’on rejouerait l’année suivante. Et un jour, j’arrive au travail, je vais voir sur le site internet de Red Bull et je nous vois en tête. Là, j’ai hurlé dans mon bureau, j’ai envoyé un message à l’équipe. Sébastien a tapé des lettres aléatoires pendant environ 5 minutes. Voilà comment on l’a appris.
Une préparation intense d’escape game !
Une telle aventure se prépare. Mana Wyrd a donc regardé la finale précédente sur Internet pour tenter d’anticiper le type d’épreuves car le game designer était le même.
Sébastien : Mais on savait que ce n’était pas le même format aussi. L’an dernier, pour les qualifications, c’étaient 7 épreuves et ils comptaient le temps mis pour réussir les 7 challenges. Cette année, c’étaient 3 épreuves de 10 minutes, et ils additionnaient le temps des 3 jeux. Même si tu ne réussissais pas les salles, tu avais quand même une chance d’être qualifié, ce qui fut le cas des Croates.
Camille : Donc, on s’est fait un entraînement maison à base de papiers collés sur les murs, de balles de ping-pong lancés dans le salon, de petits cubes en bois dessinés ou de simulation de la technologie. On appuyait sur un papier, et on disait : « le bouton s’allume ! ». On a pu observer ce qui n’allait pas et l’améliorer. On a aussi joué de nombreux escape games, entre autres durant un week-end à Lille pour faire Mission Agent d’Elite chez KOEZIO. Ce sont de minis salles avec des épreuves qui ressemblent au format de Red Bull.
Puis arrive le grand moment : Londres et ses demi-finales !
Avant d’arriver dans la capitale britannique, Mana Wyrd ne connaissait que le synopsis de l’ultime aventure : White Hat Laboratories. Mais OMNI, une Intelligence Artificielle prend le contrôle des systèmes pour tenter de s’échapper du laboratoire. Cette I.A. a été formée avec les 4 esprits digitalisés des scientifiques fondateurs.
Les demi-finales se déroulaient en 3 mini épreuves et avaient lieu l’après-midi, les équipes ont eu le loisir de jouer à des escape games londoniens le matin dont Origenes chez ClueQuest que nous conseillons vivement !
Chaque salle donnait pour simples consignes une vidéo sans aucun mot pour éviter les problèmes linguistiques.
La première salle : une vidéo de 5 boutons bleus qui s’allument les uns après les autres.
Camille : On y découvre un endroit sombre avec une petite fenêtre par laquelle on voit un puzzle et un bouton bleu, mais un mur nous sépare. Mais on peut faire coulisser les murs ce qui permet de révéler un bouton bleu et une autre salle où se trouve un autre bouton bleu. Il y avait aussi un plan qui indiquait l’existence d’une salle secrète. C’est en résolvant le puzzle qu’on réussi à dévoiler le dernier bouton. Il fallait appuyer dessus suivant l’ordre logique de progression dans la pièce.
La seconde salle : une vidéo d’une main floutée qui tape un code à 12 chiffres sur un digicode floutée.
Cette épreuve laisse perplexe l’équipe de France car il y avait trois modules qui permettaient de deviner le code de sortie de manière individuelle : il n’était pas nécessaire de communiquer. Les équipes qui tentaient de trouver un lien, perdaient beaucoup de temps. Les joueurs Croates, moins habitués aux escape games, ont été plus individuel. Le premier à avoir trouvé le code a ouvert la porte sans en parler aux autres ce qui leur a permis de sortir en 3 minutes 40 secondes.
Jean-Baptiste : Sur chaque console, il y avait un écran affichant deux courbes sinusoïdales l’une sur l’autre et 12 touches permettant d’afficher 12 courbes, mais chaque console était différente. L’une avait deux casques, donc était un poste musicalité pour Noe.
Sébastien : On est mitigé sur cette salle. Red Bull insiste beaucoup sur la collaboration et l’esprit d’équipe. Il avait communiqué sur l’importance de la musicalité, mais cette console était très fastidieuse et faisait perdre du temps. Il y avait la correspondance qui n’était pas évidente et qui demandait de changer constamment de casques, et entre chaque son, il y a 5 secondes de silence. C’est très lent.
Camille : En plus, la première room était très fun et dynamique. Ici il y avait 3 consoles blanches, c’était très aride après avoir fait une salle où tu pousses des murs ! Alors, tomber ensuite sur des doubles courbes sinusoïdales, tout de suite, ça te casse ton élan. On est quand même sorti de là content de notre temps.
La troisième salle : une vidéo d’un labyrinthe dessiné sur un pilier et de trois roues à tourner et à positionner correctement.
Camille : On entre dans la salle, on voit le pilier, on se jette dessus et on essaie de tourner les roues qui ne bougent pas. On trouve 5 ports autour de la porte de sortie et 5 prises reparties dans la salle, ainsi que 15 câbles. Il va donc falloir connecter les prises, mais les câbles sont tous très différents : des embouts tantôt femelle-femelle, mâle-mâle, ou femelle-mâle, avec 3, 4 ou 5 picots ou encore des couleurs et longueurs différentes.
Sébastien : Après un certain temps d’essais, une lumière bleue s’est allumée. On s’est dit que c’était bon et ça nous a encouragé à continuer, pourtant on était bloqué.
Camille : Un indice est apparu sur l’écran qui donnait le positionnement d’une des roues. Désespérés, Sébastien et moi, on va voir le pilier et là, les roues tournent, alors qu’on n’avait pas connecté les câbles !
Mana Wyrd nous explique alors que les concepteurs de la salle se sont certainement rendus compte que l’épreuve n’était pas réalisable en moins de 10 minutes. Pour la rendre plus facile, les roues se débloquaient toutes seules pour permettre à l’équipe de passer directement à la résolution du labyrinthe. Le problème soulevait par l’équipe étaient qu’il était impossible de deviner sans aide extérieure ce déblocage automatique.
La finale tant attendue et mystérieuse
Heureusement Red Bull a préparé une vidéo qui nous permet de découvrir cette salle exceptionnelle avec les deux finalistes qui s’affrontent.
Camille : La finale a eu lieu le matin et nous avons visité la salle l’après-midi . On nous l’a expliquée énigme après énigme pendant la cérémonie finale avec une vidéo des meilleurs moments de jeux des équipes finalistes, et commentée par Nicholson, pour nous expliquer ce qu’il fallait y faire.
Jean-Baptiste : C’était un bureau d’un PDG, le travail était respectable mais c’était très simple. La salle secrète ressemblait un peu à un bunker. Il y avait des mécanismes comme des capsules et des disquettes que tu pouvais manipuler. Et pour la dernière salle, ils ont repris le cube de la qualification avec de très grands écrans tactiles.
Sébastien : Il y avait aussi des murs qui se rapprochait au fur et à mesure dans la dernière salle pour augmenter le stress.
Finalement qu’est qu’un championnat du monde d’escape game ?
Certaines surprises, comme la montée perçante d’une équipe qui ne connaissait pas les escape games, ou des défauts questionnent l’équipe française sur la légitimité d’un championnat du monde des escape games.
Jean-Baptiste : Dans l’équipe croate, un seul joueur parmi les 4 avait fait une escape room. Du coup, on ne les prenait pas au sérieux. Quand on les a rencontrés, ils étaient en train de boire des bières pour fêter ça, tandis les autres équipes étaient déjà partis se coucher.
Camille : En fait, ils sont étudiants et très rapides en jeu de logique. Aux qualifications en Croatie, ils ont fait 14 minutes ce qui est supérieur aux temps moyens des autres pays. L’équipe Croate, c’est le cliché de l’outsider qui gagne.
Sébastien : Il faut aussi prendre en compte que les temps lors des qualifications n’ont rien à voir avec les temps des demi-finales. Les joueurs qui ont fait beaucoup d’escape games ne sont pas vraiment avantagés, car ils ont une manière de penser particulière. Quand, on se retrouve dans la deuxième salle en pensant qu’il faut assembler les informations comme dans un escape game, ça ne marche pas. Ceux qui n’ont pas une logique escape game sont donc avantagés.
Camille : Le championnat était très fun, mais je ne suis pas sûre de souhaiter que les championnat d’escapes games soient ça, car ils ne qualifient pas forcément les meilleurs équipes d’escape games.
Sébastien : Red Bull considère que les demi-finales sont annexes et que tout se joue à la finale, d’où le fait qu’il n’y en est qu’une vraie salle… Les championnats de Sofia ne sont pas non plus un championnat mais pour des raisons différentes, je le vois comme un voyage touristique dans lequel tu vas tester plusieurs salles avec un classement à la fin de l’année.
Jean-Baptiste : Le championnat Redbull est plus événement qu’un championnat.
Camille : Pour organiser un championnat du Monde, il y a plusieurs défis : éviter les biais culturels, organiser des qualifications à l’échelle mondiale, ne pas permettre aux équipes de communiquer entre elles pendant le jeu. Red Bull a relevé un certain nombre de défis, mais d’une façon qui n’est pas entièrement satisfaisante aujourd’hui. Et peut être que des championnats pourraient déjà s’organiser sur un niveau plus local.
Sébastien : Il y a une notion d’inédit dans les escape games qu’il est difficile de gérer dans les sports, tu n’as pas vraiment ça.
Camille : En tout cas, le fait qu’une équipe novice comme La Croatie arrive en finale et batte des équipes comme l’Angleterre qui a fait plus de 1000 escape games pose évidemment question. Soit le championnat tel qu’il existe n’est pas adapté à valoriser les compétences des joueurs d’escape room, soit les escape games ne peuvent pas avoir de championnat, comme pour un sport, car le fait de s’entraîner n’apporte pas davantage de maîtrise dans le domaine. J’aimerais que les escape games aient une fédération et un championnat, comme en sport, mais est ce vraiment possible ?
Je suis certaine que vous avez aussi votre avis sur cette question particulière. N’hésitez pas à nous en parler en commentaire !
Pour en voir plus :
Vidéos des différentes salles de demi-finale et de finale
Présentation de la salle de la finale par Nicholson